Les origines

Origines géologiques

 
Il y a 50 millions d’années, poussé par des mouvements de compression, le faible relief qui constitue les pré-Pyrénées s’élève de nouveau. Les glaciers et les torrents qui dévalent ses pentes soumettent la montagne à une érosion qui se déverse aux pieds de celle-ci. Tout en continuant de s’élever, la montagne érige l’amas de ses dépôts et forme ainsi le plateau de Lannemezan. Haut perché et soumis aux quatre vents, le site s’attribue déjà une identité propre qui allait aider à son histoire et à sa renommée.
De la préhistoire à l’invasion romaine
Les grottes décorées de dessins rupestres à Gargas, Labastide et Lortet témoignent d’une présence humaine proche de Lannemezan, ceci dès le Paléolithique. Les dessins de mains sur les parois de Gargas datent d’environ 26 000 ans. L’homme chasse le renne, le bouquetin, le bison, côtoie les ours des cavernes, les rhinocéros, les mammouths. Les vestiges exhumés du sous-sol (pierres polies, outils en bronze) montrent que, à travers les âges, les hommes exercent une forte activité sur et autour du plateau. Enfin, une multitude de nécropoles, sépultures à incinération appelées tumuli (dont le nombre a été estimé à plus de 130 au XXe siècle), essentiellement réparties sur le plateau de Lannemezan, permettent d’affirmer que l’homme fréquentait les lieux assidûment à l’âge de fer entre 800 ans et 500 ans avant J.-C.

Ces hommes nomades ou semi-nomades satisfont leurs besoins par des échanges pour obtenir du sel et des minerais. Ce commerce donne lieu à une véritable route le long des Pyrénées, que parcourent des marchands. Il y a la voie du sel allant de la Meditéranée à l'Atlantique mais aussi venant des mines de la Haute navarre. Il y a la voie du fer qui s’y superpose et plus tard celle d’autres minerais comme notamment le cuivre et le plomb venant de la péninsule ibérique. Toutes sont jalonnées par des nécropoles. Elles passent inévitablement par le plateau de Lannemezan. Il est probable que les landes du plateau restent désertes de toute habitation et servent plutôt aux pâturages de populations environnantes, autochtones ou venues s’installer comme notamment les ibères.

La conquête romaine

Vient ensuite la conquête romaine. La période fructueuse qu’apporte la paix romaine incite les peuplades à de plus nombreux échanges, ainsi qu’à quitter leurs villages fortifiés. L’importance donnée aux bains fait mettre en valeur des sources chaudes à vocation thermales. Fleurissent alors, sur le plateau de Lannemezan, les thermes de Capvern. Le plateau de Lannemezan est pleinement marqué de l’empreinte romaine car il est un passage incontournable pour relier l’est et l’ouest ou pour aller vers la vallée d'aure. Ainsi une voie, celle déjà ancienne du sel et du fer, est pavée. Rendue carrossable, et connue sous le nom de « Ténarèze », elle permet de favoriser le passage des marchands et des légions aidant en cela le commerce, l’industrie et l’extension de l’Empire romain. La sécurité des habitants et des voyageurs est assurée par des postes de guet disséminés tout le long de ces voies. Ils sont positionnés sur des points hauts qui dominent les alentours ; des sites stratégiques qui laisseront bien plus tard place à de futures mottes castrales, point d’ancrage denouvelles cités.

Le Moyen-Age

Le mode de vie apporté par l’Empire romain est bouleversé par les invasions de peuples germaniques qui s’installent sur tout le territoire. Les seigneurs s’imposent comme maîtres des terres. C’est le Moyen-âge. Ces terres sont mises en valeur par la création de nouveaux villages. C’est en 1274 que le seigneur qui règne sur le plateau de Lannemezan, Géraud d'Aure-Larboust, fonde le village fortifié de Lannemezan dans la lande de Boc où se trouve une tour de guet, probablement sur un tertre élevé des siècles auparavant par les hommes de l’âge du fer. Une élévation de terre dans la partie nord de la place actuelle dite « du Foirail » qui ne disparaît qu’à la fin du XIXème siècle.

À la fondation du village de Lannemezan, il est difficile de définir l’aspect exact des lieux mais il s’y trouve au moins une motte de défense comprenant probablement une tour de guet et une enceinte avec fossé puisque le site a tout pour être une position militaire défensive. Une enceinte où doit exister aussi une maison « seigneuriale ». Pour peupler le lieu, Géraud 1er d'Aure Larboust attire des poblants au travers de privilèges qui sont énoncés dans une charte de franchise datée du 27 avril 1274. Il est notamment octroyé une place pour la maison, grange, enclos et un journal pour le verger et un arpent pour le pré. Il y est énoncé aussi les noms des 14 premiers Lannemezanais.

L’expression « lana de(th) Boc » signifie littéralement « la lande du Bouc ». L’origine de cette expression n’est pas connue mais pourrait répondre à la réputation des lieux. Le plateau, ouvert à tous vents et haut perché en surplomb du piémont, en fait un lieu austère. Les températures sont froides, les marécages nombreux, la végétation est faite de fougères, d’ajoncs et de thuie, la fameuse brande où les arbres n’arrivent à pousser que difficilement, le tout sur une étendue à perte de vue. Voilà donc un terreau idéal pour favoriser de nombreuses légendes et persuader les populations environnantes, déjà rassemblées dans des villages aux conditions moins rudes, comme par exemple Avezac, Capvern, La Barthe de Neste, que les sorciers et les sorcières de Gascogne ont plaisir à se réunir en un tel lieu pour exercer leur sabbat et accueillir le diable. Un diable qui se plaît à apparaître sous forme de bouc. Il est vrai que Dieu et le diable sont entrés dans tous les foyers, s’entremêlant avec les anciennes croyances païennes. Et s’il est de nécessité pastorale à venir faire paître les bêtes sur le plateau le jour, les habitants alentours ne devaient pas s’y attarder la nuit. Une crainte qui perdurera car si la création de Lannemezan qui signifie en gascon « la lande du milieu » (lana mesan), a changé la dénomination de l’endroit où le village a été implanté, certaines dénominations ont persisté encore jusqu’à nos jours comme celle par exemple du « pont des brouches » au bas de la côte de Pinaouet.

À partir de 1345, Lannemezan change de Maison. Gaston Fébus de fois Béarn, tout juste âgé de 14 ans, achète à Géraud II d'Aure Larboust, pour la somme de 1 700 livres tournois, le village fortifié de Lannemezan, avec les lieux d’Escala, Tuzaguet et Pinas. C’est à Fébus que nous devons le rattachement des terres de la Lana de(th) Boc à sa vicomté du Nébouzan.

 En 1388, Jehan Froissard, chanoine originaire du comté de Hainaut mais surtout le plus grand chroniqueur de son temps, traverse le plateau de Lannemezan. Il raconte ce moment : « après dîner nous montâmes à cheval et partîmes et prîmes le chemin de Lourdes et de Mauvoisin (Mauvezin) et chevauchâmes parmi unes landes qui durent en allant devers Toulouse bien quinze lieues, et appelle-t-on ces landes Landes-bourg (Lana de(th) Boc) et y a moult périlleux passages pour gens qui seroient avisés. En-mi (au milieu) les Landes-bourg siéd le châtel de Lamesen (Lannemezan) qui est au comte de Foix, et une grosse lieue en sus la ville de Tournay dessous Mauvoisin... »
 
Une femme marque aussi de son empreinte Lannemezan. C’est Catherine de Navarre, vicomtesse du Nébouzan par le fait de successions (la passation dans les Pyrénées n’est pas touchée par la loi salique comme pour le royaume de France et les femmes peuvent donc hériter des titres de leurs parents). En 1500, elle accorde à Lannemezan le droit de tenir un marché chaque mercredi ainsi qu’une foire quatre fois dans l’année. Cela affirme le petit village dans sa vocation de centre d’échange. Ce marché subsiste encore de nos jours. Tout juste 200 ans après sa création, Lannemezan est déjà devenu un petit village où aubergistes et marchands ont pignons sur rue.

Le XVIème siècle
 
Puis viennent les guerres de religion qui s te;vissent sur le royaume de France et auxquelles Lannemezan n’échappe pas. En 1569, Jeanne d'Albret, Vicomtesse de Nébouzan, charge Gabriel de Corges, Comte de Montgomery, de reconquérir ses terres confisquées par le roi de France. À la tête d’une armée protestante de 3 000 hommes en armes, il met en coupe réglée les Pyrénées, d’est en ouest, de Foix à Navarrenx où les catholiques siègent. Lannemezan n’échappe pas aux razzias. L’église Saint Jean-Baptiste et les maisons des prêtres sont brûlées.

Le XVII ème siècle

C’est le fils de Jeanne d'Albret qui met fin à ces guerres incessantes en devenant par faits de succession, après extinction des Valois, le roi de France sous le nom d’Henri IV. En juillet 1607, il rattache ses possessions dont la vicomté du Nébouzan, au royaume de France. Ainsi, la seigneurie de Lannemezan devient possession française. Un plan du plateau a été établi par Jean Gaye le 10 octobre 1603. Il y a fait figurer une partie des landes ainsi qu’une illustration du village de Lannemezan où apparaissent un château et hors enceinte une maison, une église, une croix et quelques arbres. Ce périmètre fortifié vraisemblablement en très mauvais état laisse place, dans la seconde moitié du siècle, à une chapelle appelée Notre-Dame du château. Construite sur les vestiges de la motte castrale, elle sera touchée par la foudre le 11 avril 1887 et démolie en 1892. Quant à la population, elle peut être estimée entre 400 et 500 habitants puisqu’en 1614, 130 feux y sont comptés. Une population essentiellement rurale, qui peut jouir d’activités commerciales incitées par son marché hebdomadaire, et qui vit dans des maisons aux toits de chaume, ce qui favorise l’embrasement d’une partie de la commune en février 1691.

Le XVIII ème siècle

La Révolution de 1789 a mis fin au système féodal. La France est redécoupée en de nouveaux territoires : les départements. La Bigorre et les Quatre-vallées forment celui des Hautes Pyrénéees, et pour mieux le définir d’autres terres lui sont rattachées. C’est le cas d’une partie du Nébouzan, celle qui comprend le village de Lannemezan. Les communes sont dorénavant dirigées par un maire et un conseil municipal. Le premier maire de Lannemezan, Dominique Lagleize, est nommé le 8 mars 1790. À l’effort de reconstruction du royaume qu’a engendré la révolution, suit la Terreur. Le 21 septembre 1792, la monarchie est renversée au profit de la république. De nombreuses têtes tombent dont celle du dernier seigneur de Lannemezan, Marc II Bertrand François de Lassus, conseiller au parlement de Toulouse. Condamné à mort par jugement du tribunal révolutionnaire de Paris le 18 messidor an II (6 juillet 1794), il est guillotiné le jour même.

Le XIXe siècle

À la république succède l’empire. Napoléon 1er confirme Lannemezan comme centre de commerce au travers d’un décret impérial daté du 16 septembre 1806 qui autorise le petit village à tenir sept foires par an. Petit village car au 1er juillet 1793, la population de Lannemezan n’est que de 767 habitants, des chiffres en dessous de ceux de Monléon-Magnoac (1 263 habitants) ou de Castelnau-Magnoac (1 152 habitants) qui vivent aussi des revenus basés en grande partie sur les marchés et les foires. Le village de Lannemezan vit sous le coup d’une mobilisation d’hommes tirés au sort et sur celui des réquisitions d’armes et de nourritures pour les armées françaises engagées dans des combats un peu partout en Europe. L’empire ne dure qu’un temps, pressé de toutes parts par les autres nations européennes menées par l’Angleterre. Les Pyrénées ne sont pas épargnées. Le 3 avril 1814, alors que Napoléon Ier perd son trône, les Anglais qui campent dans une prairie voisine d’une source en plein bourg de Lannemezan, à l’angle de la rue de la Baïsole et de la rue Voltaire, s’abreuvent à celle-ci après avoir fait tester par des voisins que son eau n’est pas empoisonnée. Les Anglais ne stationnent pas bien longtemps car, selon leurs souhaits, la monarchie a été rétablie en France.

Lannemezan qui compte 1 604 âmes, cherche à s’épanouir un peu plus comme en témoigne, en février 1852, une demande du conseil municipal au gouvernement. Les Lannemezanais veulent que leur village devienne chef-lieu d’arrondissement à la place de Bagnères car le site est le point le plus central : « car ceux des cantons les plus éloignés ont besoin de trois jours pour l’aller et le retour [à Bagnères] et faire leurs affaires, ce qui leur occasionne des dépenses considérables ». Le village est défini comme un lieu de passage régulièrement fréquenté par un grand nombre d’étrangers ainsi que comme un carrefour de communications important puisque Lannemezan constitue une gare pour plusieurs diligences qui desservent chaque jour la région. Les Lannemezanais obtiennent gain de cause, mais doivent attendre jusqu'en mars 1877 por cela. Le village commence à prendre forme. Au Lannemezan-carrefour des voies de communication, s’ajoute le Lannemezan-terre de sources car le plateau est à l’origine des rivières qui drainent la Gascogne. Pourtant, à la formation du plateau, les eaux pyrénéennes ont été détournées vers l’est pour former la Garonne et vers l’ouest pour former l’Adour. Le territoire du plateau ne bénéficiait donc plus des eaux de montagne mais seulement des eaux de pluie qui viennent alimenter par ruissellement de faibles cours d’eau. Entre 1848 et 1862, un canal est construit pour amener par une faible pente, l’eau de la Neste prise à Sarrancolin. Ainsi, sur une longueur de 28 km, le canal de la Neste dessert 17 rivières sur l’ensemble du plateau et donne un peu plus de vie à Lannemezan notamment au travers de l’installation de moulins tout au long de la Baïse.

Au début du Second Empire , avec l’avènement du chemin de fer, le projet d'une voie ferrée Bayonne-Toulouse est soulevé par le Préfet et le Conseil Général des Hautes-Pyrénées. Bien qu’il apparaisse intéressant de construire un chemin de fer le long des Pyrénées, la montée sur le plateau pour relier Montréjeau à Tarbes, représente une difficulté non négligeable. Il se trouve en compétition avec un autre trajet, moins direct mais moins difficile, par la vallée de l’Adour et le Gers en passant par Auch. En 1856, le prince Napoléon, malgré les grandes difficultés signalées sur les rapports des experts ferroviaires, tranche en faveur du tracé franchissant le plateau de Lannemezan . Le projet définitif aboutit en 1863. De plus, le village est doté d’une gare car les vastes landes favorisent la création d’un camp militaire. La ligne Toulouse-Bayonne est ouverte à la circulation en 1867.

Le 16 septembre 1868, Napoléon III vient visiter le camp d’instruction où les hussards de Tarbes s’exercent régulièrement. Le train impérial entre en gare un mercredi et le marché a été annulé. Napoléon III se rend au centre du village et apparaît à une fenêtre de la Maison commune où est tenu un banquet de quarante couverts offert par l’empereur avec à sa droite, le Maréchal Niel, ministre de la guerre et fondateur du camp de Lannemezan.

Malgré tous ces développements, la vie semble encore très difficile à Lannemezan comme en témoigne l’instituteur Thou dans sa monographie de 1887. Des conditions dans lesquelles une population a su malgré tout perdurer. L’instituteur décrit le plateau comme inculte et stérile, parsemé de bois, de taillis, coupé de marécages et indique qu’« il n’y a pas de curiosités naturelles. Si l’on s’éloigne d’une trentaine de mètres de la ligne du chemin de fer qui contourne la ville, on ne rencontre plus de maisons. Le sol ne produit que des arbres rabougris, de la fangue et quelque peu d’herbe vers le nord. Il y a à peine trente hectares ensemencés en céréales … [aucune rivière] n’a un débit d’eau considérable. […] Les eaux sont malsaines parce qu’elles renferment des quantités de bicarbonate de chaux en dissolution […]. Le passage resté ouvert aux vents qui soufflent du nord en font une région froide […] C’est un climat peu salubre à cause des marais, de l’altitude de la mauvaise tenue des rues et des maisons. Le grand air qui y règne assainit tout mais met à une rude épreuve les tempéraments affaiblis. D’après le dernier recensement la population de Lannemezan est de 1 924 habitants. Ce chiffre tend à s’accroître grâce aux nombreuses voies de communication qui mettent Lannemezan en relations faciles avec le chef-lieu du département, le Gers et la Haute-Garonne, grâce aux foires et marchés très importants dans cette ville[…] Les maisons sont mal bâties, pavées, pour la plupart, malpropres. Comme animaux, on élève des moutons de petite taille, des bœufs et des vaches de travail, quelques mules et mulets, peu de chevaux. On y tue les veaux de bonne heure, à 2 mois, trois mois au plus : ce qui a fait une réputation au veau de nemezan. Le dindon, les canards, les oies, les poules forment le revenu de la basse-cour. Malgré la situation qui semble réellement privilégiée Lannemezan n’a pas d'industrie, moins de commerce réel. À peine quelques scieries et moulins sur la Baïse. C’est une population essentiellement agricole[…] Les moeurs des habitants sont un peu sauvages Ils vont nu-pieds aussi bien que chaussés […]. L’instruction est très restreinte et peu goûtée à Lannemezan. Le mauvais état des locaux explique l’abandon dans lequel on laisse le personnel ». Une situation qui va en s’arrangeant avec la construction de l'école Paul Bert et de l'école Michelet.

Le XXe siècle

À la veille du XXème siècle la population augmente et malgré la rudesse des lieux, le gros village va s’ouvrir à tout ce qu’il lui manque pour devenir une vraie ville : une capacité commerciale importante et des industries, tout en sachant garder son caractère agricole. Pourtant, ce XXe siècle commence mal avec notamment dans la nuit du 6 au 7 novembre 1906, un incendie qui détruit la mairie, patrimoine architectural local. Une nouvelle mairie, celle qui existe actuellement, va être reconstruite sur les ruines de la première avec un ton plus austère emprunté au style des châteaux de la Loire.

Pendant la première guerre mondiale, entre 1916 et 1920, s’installe sur la zone militaire du quartier Peyrehitte l’usine hydroélectrochimique construite par la Poudrerie Nationale de Toulouse. Cette usine devient en 1921 la Société des Produits Azotés (SPA). En étendant ses activités, elle se développe rapidement et s’agrandit en surface et en main d’œuvre. Elle incite à créer à ses côtés, en 1939, une autre usine pour fabriquer de l’aluminium, l’Électro-chimie.

Lannemezan, grâce à ses deux grosses usines, se retrouve en plein cœur de l’effervescence industrielle de la première moitié du XXe siècle. Pour autant, la population n’augmente pas rapidement. Elle passe de 2 069 habitants en 1906 à 2 529 habitants en 1936. Les hommes du plateau qui fournissent la grande majorité de la main d’œuvre des usines gardent pour beaucoup leur attachement à la terre et ont un double emploi. Mais il y a aussi des étrangers qui viennent pour travailler. Cela nécessite la construction d’un camp de travail. Des cantonnements sont créés à proximité des usines. Cette cité ouvrière dortoir, véritable ville dans la ville, est faite de maisons alignées en bois et en briques. L’activité y est telle que sont édifiés un réfectoire, une chapelle, une école, une boulangerie, un hôpital, une piscine et même une prison pour les problèmes internes de ce monde cosmopolite d’ouvriers estimé à 570 personnes en 1943. Quant aux ingénieurs, ils ont droit à des villas à quelques pas des usines aussi mais sur la commune de La Barthe de Neste. La vaste lande lannemezanaise laisse encore du champ libre pour son aménagement. C’est sur 140 hectares du quartier de la Demi-Lune, que s’installe l'hôpital psychiatrique, de 1936 à 1938. De plus, l’avant guerre voit la construction d’une caserne et d’une cité pour une unité de gardes mobiles. S’implante aussi un arsenal qui se construit de 1938 à 1939 sur le quartier de la Hitolle, là où se trouvait un hippodrome avec tribunes en dur et une piste de 2 000 mètres. L’arsenal est destiné à la fabrication et au chargement d’obus à gaz. La seconde guerre mondiale arrête net cette affectation. Lannemezan se retrouve principalement concernée par les conséquences de cette guerre. La débâcle entraîne des familles venant du nord et de l’est de la France. Une population qui se rajoute à celle des réfugiés espagnols qui ont fui la guerre civile chez eux quelques années auparavant. Lannemezan double pratiquement sa population en l’espace de quelques années et compte 4 800 âmes en 1942. En raison de son fort potentiel industriel et de toutes les infrastructures qui s’y trouvent, les Allemands sont présents sur les lieux. Les usines fournissent l’ennemi à raison d’un train complet chaque jour qui part pour l’Allemagne ou la zone occupée. Une résistance intérieure naît dans les usines, entraînée par Jean Puyau pour ce qui devient le Corps franc de libération lannemezanais et par les communistes pour le mouvement de Francs tireurs partisans d’Esparos-Nistos. L’engagement des enfants de Lannemezan est tel que la commune reçoit la croix de guerre en récompense de ses actes et de ses sacrifices. C’est après cette guerre que Lannemezan atteint son apogée, bénéficiant de l’essor économique de la reconstruction. Le centre ville profite d’une animation jamais égalée grâce à l’intensité de ses marchés et de ses foires, l’importance de ses commerces (jusqu’à compter plus de 30 cafés). Aux usines, la demande en main d’œuvre est telle que la population s’accroît. Ce sont principalement des Espagnols, des Portugais, des Italiens, des Algériens. Les usines vont compter plus de 1 200 employés.

En ce qui concerne l’hôpital, il est confié au docteur Ueberschlag. Pendant 20 ans, il va exercer en appliquant une psychiatrie moderne où un soin particulier est apporté aux malades, notamment par leur réinsertion par le travail. L’hôpital se dote donc du parc de loisir et du golf. L’ergothérapie et l’ouverture vers le monde extérieur prennent toute leur signification et confèrent à l’hôpital psychiatrique de Lannemezan une renommée nationale. Lannemezan compte alors jusqu’à 1 400 patients, venus de tout l’hexagone. L’Arsenal, laissé un temps à l’abandon, est repris par l’armée en 1948 pour servir de dépôt. Durant les années 1950 et 1960, il ne cesse de s’agrandir au travers de la construction de nombreux hangars et devient ensuite un centre de stockage. En son sein, se trouve aussi depuis 1951, un centre mobilisateur : le CM10. Quant à la caserne des gardes mobiles, elle devient celle d’une compagnie républicaine de sécurité, la CRS 29 avec une cité des familles attenante. Dynamisée par tous ces centres de vie, la population lannemezanaise gonfle pour atteindre 8 673 habitants en 1968.

Mais à partir des années 1970, la France est entraînée dans une rigueur économique qui provoque une régression des activités et donc des effectifs. Les usines voient leurs productions décliner. L’arsenal ne résiste pas à la réforme des armées et est fermé. La cité des familles ne correspond plus aux besoins actuels. Seul l’hôpital psychiatrique arrive à se renouveler par le biais de restructurations. Il se transforme en hôpital général qui se dote d’un service d’urgences et d’une maternité. L’hôpital de Lannemezan compte aujourd’hui près de 1 200 employés.

Seule nouveauté d’importance, un centre pénitencier ouvre en 1987. Il accueille des détenus hommes condamnés à de lourdes peines et provenant de toute la France. Inexorablement, la population diminue pour n’être plus que de 6 500 habitants à l’arrivée du second millénaire. Pourtant, l’histoire nous montre que depuis l’origine de ce petit village qui est venu se percher sur le plateau et faire front aux dures conditions auquel il est soumis, Lannemezan n’a jamais cessé de chercher à s’accroître et de se démarquer, avec toujours dans sa population une volonté qui ne peut avoir disparu et qui laisse croire que tout semble possible, surtout le meilleur.

Auteur : Pierre de Macedo